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Photo du rédacteurPulse / Eric Miternique

La Mode anti-reconnaissance faciale : des créatifs au service des citoyens



La reconnaissance faciale, encore interdite en France, est testée par certaines collectivités locales afin de renforcer la sécurité, notamment lors des JO de 2024 à Paris. Elle est par ailleurs déjà autorisée depuis 2011 dans les manifestions afin d’identifier les « fauteurs de troubles ».

D’après un comptage effectué par la CNIL, 935 000 caméras de surveillance sont installées sur le territoire français. Qu’elles soient aux guichets des banques, dans les parkings, les couloirs de métro, sur les lieux de travail ou dans les commerces, elles sont de plus en plus « boostées » à grand renfort d’intelligence artificielle.

Face au problème de protection de la vie privée soulevé par ce déploiement de caméras, des créatifs ont innové pour trouver des parades.




LA RECONNAISSANCE FACIALE, COMMENT ÇA MARCHE ?

La reconnaissance faciale est une technique qui permet à partir de l’analyse des traits du visage en des points définis :

- soit d’authentifier : vérifier qu’une personne est bien celle qu’elle prétend être (dans le cadre d’un contrôle d’accès) ;

- soit d’identifier : retrouver une personne au sein d’un groupe d’individus, dans un lieu, une image ou une base de données.




DES CAMÉRAS AUGMENTÉES QUI INVESTISSENT L’ESPACE PUBLIC

Grâce à l’intelligence artificielle, certaines caméras sont désormais capables d’identifier et de classifier un véhicule dans une zone non autorisée, une personne qui tente une intrusion ou un colis abandonné…

Elles détectent aussi une situation anormale, ou encore analysent certaines caractéristiques des personnes (vêtements, port d’un masque...).

Des potentialités utilisées notamment dans le champ sécuritaire, qui les rendent séduisantes, tout particulièrement aux yeux des collectivités locales et de l’état.

Avec les caméras augmentées, les individus ne sont plus seulement filmées, mais analysées de manière automatisée, en temps réel, afin de collecter des informations les concernant (position géographique, présence à un événement).




IPHONE : LE NORMALISATEUR

Equipé de la reconnaissance faciale, l’IPhone a banalisé l’usage quotidien de ce principe et a permis son acceptation par le plus grand nombre, il est entré dans nos vies en rendant ce concept pratique et indispensable, ainsi, notre méfiance à son égard c’est progressivement « endormie ».




VÊTEMENTS, BIJOUX & MAKE-UP ANTI-RECONNAISSANCE FACIALE

Depuis quelques années, marques, designers et stylistes mettent leur créativité au service des citoyens afin de trouver des solutions pour « tromper » les caméras et empêcher la reconnaissance faciale. Panorama des initiatives les plus créatives :



Cap_able

La start-up de mode italienne Cap_able, fondée par Rachele Didero et Federica Busani, a lancé une collection de vêtements en maille qui protège les données biométriques du porteur sans qu'il ne soit nécessaire de se couvrir le visage.

Baptisé Manifesto Collection, le vêtement présente divers motifs développés par des algorithmes d'intelligence artificielle pour protéger « l'identité faciale » du porteur et l'identifier non pas comme un individu, mais comme un animal : chien, zèbre ou girafe !

Les vêtements ont été testés avec YOLO, le système de détection d'objets en temps réel le plus rapide. Les porteurs sont soit indétectables par le logiciel, soit identifiés comme des animaux.


« Dans un monde où les données sont le nouveau pétrole, Cap_able aborde la question de la vie privée, ouvrant la discussion sur l'importance de se protéger contre l'utilisation abusive des caméras de reconnaissance biométrique : un problème, s'il est négligé, pourrait geler les droits de l'individu, y compris la liberté d'expression, d'association et de libre circulation dans les espaces publics », a déclaré RacheleDidero



Realface Glamoflage

Les t-shirts « Realface Glamoflage » inventés par Simone C. Niquille, ont pour fonction de protéger du système de reconnaissance faciale de Facebook (qui permet de taguer automatiquement un individu sur une photo). Cette chercheuse hollandaise présente des t-shirts qui affichent des visages partiels de célébrités dans le but de brouiller les pistes et confondre les systèmes de détection des visages.



ip privacy

La collection IP Privacy conçue par Nicole Scheller propose des robes, vestes et sweats anti-reconnaissance faciale. Depuis la lecture de 1984 de George Orwell, la question de la surveillance de masse influence son travail créatif.

« Prenez l’exemple de la Chine, qui investit massivement dans la technologie de surveillance et les technologies de reconnaissance biométriques. On s’achemine potentiellement vers un futur assez sombre. »

Nicole Scheller teste la fiabilité de ses créations sur le logiciel open-source Simple CV. Les motifs de ses vêtements sont reconnus comme des éléments anormaux par l’intelligence artificielle et vont donc empêcher le porteur d’être identifié comme un être humain.



Grigory Bakunov

En Russie, Grigory Bakunov, un employé de l’entreprise technologique Yandex, ne voulait plus être repéré par les caméras qui l’observaient toute la journée. Il a donc élaboré un algorithme permettant de créer un maquillage spécifique qui trompe les logiciels de reconnaissance faciale.

« Le service propose des maquillages futuristes pour tromper les caméras intelligentes avec juste quelques lignes sur le visage. Aux formes et couleurs variées, ces lignes parviennent ainsi à empêcher les dispositifs de reconnaissance faciale d’identifier la personne qui les porte ».


Adam Harvey Studio

Le CV Dazzle est une forme de camouflage développée par Adam Harvey pour contrer la reconnaissance faciale des caméras de surveillance. Le principe est de jouer sur les coiffures et le maquillage afin de « casser » les lignes visage et ainsi de rendre les individus nos identifiables mais reconnaissable par l’œil humain.

Adam Harvey a également crée la ligne Stealth Wear qui permet d’échapper aux caméras thermiques des drones d’observation.

Les vêtements sont fabriqués avec un tissu plaqué argent qui reflète le rayonnement thermique, permettant au porteur d'éviter la surveillance thermique aérienne.



Dazzle Club

Ce collectif d’artistes anglaises anti-surveillance milite pour l’adoption du maquillage asymétrique. Selon le Dazzle Club, c’est un moyen efficace de tromper, en toute légalité, les dispositifs biométriques de reconnaissance faciale.

Trois de ses fondatrices : Emily, Georgina et Anna, expliquent leur démarche :

« Le quartier de King’s Cross à Londres prévoit de déployer un système de caméras de surveillance utilisant la reconnaissance faciale sans consulter les habitants. Les masques ne font pas encore partie de leur quotidien, mais le collectif d’artistes The Dazzle Club s’interroge : « peut-on encore être libres dans l’espace public ? »

Affublées de maquillages mystérieusement graphiques, Emily Roderick, Georgina Rowlands, Anna Hart et Evie Price se mettent alors à marcher, en silence, dans les rues de la capitale. Derrière la performance artistique, se cache une véritable technique de camouflage, CV Dazzle, développée en 2010 par le chercheur Adam Harvey. Le but ? Protéger nos visages des algorithmes de reconnaissance faciale.




Ewa Nowak

Ewa Nowak a conçu ce qui s’apparente à un bijou et dont l’objectif est d’enrayer la reconnaissance faciale. Son nom ? Incognito. La forme de cet accessoire est totalement nouvelle et fait penser à d’étranges lunettes. En réalité, son armature est constituée de points clef qui recouvrent le dessous de vos yeux et une partie de votre front pour empêcher toute tentative de “lecture” de votre visage.




Sara Sallam

La créatrice de Brooklyn, Sara Sallam, a imaginé une collection de bijoux et d’accessoires pour protéger celui qui le porte de la surveillance générée par les caméras urbaines. Tirant son nom de George Orwell, auteur du roman dystopique 1984, le projet de Sara Sallam comprend trois bijoux portés sur le visage, la poitrine et les pieds. Chacun a pour but de protéger l’identité de l’utilisateur contre les technologies de reconnaissances faciales, de détections des battements cardiaques ou de suivi de la marche tout en restant visuellement esthétiques.

Les bijoux faciaux fonctionnent de trois façons :

- premièrement, en obscurcissant la géométrie faciale clé (la zone où le nez et les sourcils se rencontrent, ainsi que le menton),

- deuxièmement en diminuant la symétrie faciale,

- enfin, en modifiant le « paysage facial » du porteur via son matériau hautement réfléchissant, qui déforme les effets de lumière sur le visage.




Xander Zhou

Le designer chinois Xander Zhou s’est penché sur l’intelligence artificielle, utilisant cette dernière pour réaliser des portraits « d’humains inexistants » pixellisés, évoquant sans détour la reconnaissance faciale comme les « deep fakes » (ces vidéos dans lesquelles le visage et la voix d'une personnalité sont remplacés par un logiciel permettant de lui faire dire tout et n'importe quoi). De quoi relancer le débat sur un futur pas si lointain où chacun ne serait plus maître de son propre visage, et où discerner le vrai du faux sera plus compliqué que jamais.



Le Camouflage Dazzle

C’est à l’occasion de la Première Guerre mondiale qu’est effectivement apparu le Dazzle painting, qui n’est autre qu’une technique utilisée par les marines anglaise et américaine.

C’est pour contrer cette menace que l’Amirauté de la Royal Navy va se laisser convaincre par le lieutenant de réserve Norman Wilkinson, un artiste classique, à tester sa création : le Dazzle painting.

Contrairement au camouflage qui a pour objet de dissimuler un objet ou une personne, ce qui est impossible pour un navire dont la silhouette se détache sur l’horizon, le principe du Dazzle painting est de modifier visuellement la perception d’un navire en brisant ses lignes et en cassant ses formes. Les navires, vont ainsi s’orner de formes géométriques graphiques, destinées à perturber l’observation des sous-marins allemands qui éprouvent ainsi de grandes difficultés à les repérer et les identifier.




L’ENJEU

La reconnaissance faciale permet donc d’identifier et de localiser les individus et ainsi de collecter de nombreuses données complémentaires sur les habitudes de vie des individus. La collecte de datas étant le nouvel eldorado des GAFAM, il n’est pas surprenant que ceux-ci soient de plus en plus présents sur ce type de technologies.

Leur modèle économique est basé sur la collecte, l'exploitation et la revente des données personnelles afin d’optimiser et mieux cibler la publicité.,

Les réseaux sociaux connaissent déjà vos habitudes de consommation, vos goûts, vos préoccupations, votre état de santé, vos interrogations, vos amis, ... Reste à en savoir plus sur vos déplacements, sur les lieux que vous fréquentez. La reconnaissance faciale permettra ce pistage.

De plus, avec le développement rapide des IA, cette technologie va encore évoluer et permettre une reconnaissance toujours plus précise, ce qui devra inciter les stylistes et designers à redoubler de créativité pour tenter de protéger les citoyens.

Entre « utilité » sécuritaire et « dérives » sur les libertés individuelles, la reconnaissance faciale n’a pas fini de faire parler d’elle.




L'AGENCE PULSE

Eric Miternique

eric@lagencepulse.fr

www.lagencepulse.fr



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