La maison : enfer ou paradis ?
Avec le choc du confinement, les Français (comme tant d’autres dans le monde) se sont rendus compte qu’un nid a priori douillet pouvait dans certains cas se transformer en enfer : foyer réuni ensemble H24, organisation malmenée, nouveau rapport aux priorités privées et professionnelles, confort physiologique et mental bouleversé, perte de repères.
Selon les configurations privées ou professionnelles, les vies du « dedans » n’ont pas été les mêmes pour tous. Cette expérience inédite a fait naître de nouvelles attentes, et un rapport à la maison d’un autre genre.
L’arrivée du travail à la maison provoque une quête de nouveaux espaces
Le bien-être à la maison est devenu capital. Au-delà de la tendance déco, c’est tout un rapport à l’espace, à l’air ambiant, au confort du corps dans son environnement et son mobilier, qui devient soudain prioritaire pour nos concitoyens.
Seul ou en surnombre sous le même toit, il a fallu repenser son habitat, son organisation intérieure, sa relation avec les autres, sa relation au travail. Dans le secteur de l’aménagement de l’habitat et de l’immobilier, « avoir une pièce en plus » afin de permettre une meilleure « modularité » des espaces, sont autant de verbatims révélateurs du désir d’une maison suffisamment spacieuse et bien pensée, afin de pouvoir y vivre différentes vies.
Le recentrage actuel sur l’essentiel – la famille, les amis, ceux qu’on aime – revisite la fonction première de protection de l’habitat vers celui d’un bien-être partagé. Demain, la maison évolue vers plus de collectif, plus de convivialité ; on souhaite y recevoir plus souvent, en réaménageant les espaces privés et les espaces communs.
Dehors-dedans, un nouveau rapport à l’extérieur
Balcon, terrasse, cour intérieure aménagée ou jardin sont les nouveaux graals. L’opportunité est réelle pour bien des acteurs ayant trait à l’équipement de la maison : marques de bricolage, de décoration, de jardinerie, d’équipements technologiques intelligents, les constructeurs immobiliers… semblent être les futurs grands gagnants de la période. En effet, les attentes qui les sous-tendent semblent massives et à forte portée. Un sujet comme la transition énergétique, et un des corollaires pratiques comme la rénovation thermique, ne sont plus des options.
La maison-plateforme : tout arrive à la maison
Les Français semblent avoir pris goût à un certain confort, celui de faire venir les choses à eux pendant le confinement. L’e-commerce des produits de la maison, beauté, santé, du sport, bricolage, jeux et jouets et jardinage ont connus des fortes hausses de demandes.
Les prestations de livraison à domicile ont permis à nombre d’enseignes et commerces de survivre en se reportant sur ce canal de distribution. Le nouvel équilibre change au profit de la vie à domicile, en souhaitant la bienvenue chez soi aux coiffeurs, esthéticiennes, ostéopathes, cours de cuisine, de musique et de yoga… masqués bien sûr.
Le secteur de la restauration du midi se structure différemment avec l’arrivée progressive des cloud kitchens ou les nouveaux rayons traiteurs des enseignes et la digitalisation des offres de restauration individuelles et collectives se sont accélérées pour lutter contre la forte concurrence.
Si mon bureau est à la maison, qu’est-ce qui reste au bureau ?
Oui, le travail a envahi nos maisons. Le confinement a fait émerger le télétravail au rang de fait de société. Il est encore trop tôt pour apprécier les données d’accords des entreprises sur le home office. Les négociations actuelles avec les syndicats et la survie du virus laissent à penser que les parties prenantes, qui ont fait preuve d’agilité au début de la pandémie, vont devoir composer avec les nouvelles aspirations et contraintes des collaborateurs.
La question des coûts immobiliers des bureaux est clairement reposée, au gré des mises en place de rotations d’équipes, d’un télétravail plus généralisé, mieux organisé et accepté. Le bureau du futur tend à perdre ses frontières entre le professionnel et le privé, vers un nouvel équilibre de responsabilisation et de confiance.
Après des années d’engouement, les espaces de coworking ont été mis à mal durant le confinement. Dans le même temps, des lieux professionnels, devenus trop grands, pensent déjà à refondre certains espaces en logements privés, avec espaces modulaires de travail. La logique immobilière des entreprises va inéluctablement changer face aux mutations du “bureau”, comme lieu de rencontres entre collaborateurs, mais aussi espace pour s’isoler en toute sécurité.
La maison partagée avec les autres ?
L’expérience de l’isolement liée au confinement a été dramatique pour certains foyers. Le manque d’échanges, de personnes vers qui se tourner en cas de besoin, cantonnés aux limites d’une proximité directe, ont rendu plus pertinentes que jamais les initiatives en faveur de lieux de vie plus inclusifs et collectifs.
Mais les belles histoires – voisins qui se rapprochent à la faveur de la crise, initiatives faisant la part belle à l’entraide solidaire et la créativité – vont aussi dans le sens d’une maison qui s’ouvre, avec un état d’esprit tourné vers le partage.
Même s’il ne représente qu’une part infime du marché immobilier à date, le coliving est emblématique de cette tendance : sortir de l’isolement, partager des espaces communs avec des personnes avec qui converser au quotidien, bénéficier ensemble de services utiles à toute une communauté…
Réinventer le modèle du logement individuel avec en prime, la promesse de retisser le lien social distendu dans nos cités modernes. Une préoccupation partagée par les architectes et autres acteurs et porteurs de projets engagés dans le développement de villes plus inclusives et écoresponsables.
En conclusion…
Le contexte Covid a fait voler en éclats l’organisation de la maison. Elle est devenue véritable lieu de vie et s’ouvre au partage sous de nombreuses formes.
Y aura-t-il exode massif des villes vers les banlieues, voire vers le Sud pour aller chercher un bout de jardin et plus de soleil, vers les littoraux pour y trouver la quiétude du bord de mer ? Il est encore trop tôt pour le dire.
Ce qui est certain, c’est qu’en rendant le télétravail possible sur une large échelle, et en préservant l’agilité des organisations, il est tout d’un coup devenu plus fluide de combiner vie professionnelle et vie personnelle – et ceci, sans opposition.
Le lien social évolue, et la maison occupe une place encore plus centrale dans sa construction : on rencontre nos clients dans leur maison, on est à la maison quand nos enfants rentrent de l’école, on finit une classe de yoga en Zoom et on rentre en réunion la minute d’après… Impossible d’imaginer cela il y a 6 mois ! Le rapport au temps et à l’espace a été bouleversé.
Les marques s’emparent de tous ces nouveaux insights et modes de vies, dans leur communication et leurs développements de services. Elles ont un rôle crucial à jouer pour nous guider vers ces nouveaux usages, nous divertir, prendre soin de nous, et nous connecter.
Article de Karine Tisserand paru dans l'ADN
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