top of page

GAMING : l'impact positif des jeux vidéos



Classés en tête des industries du divertissement partout dans le monde, les jeux vidéo sont en pleine mutation. Les gameplays deviennent responsables et éducatifs, alors que les thématiques abordent les grandes questions de société. L’ère des jeux à impact positif aurait-elle commencé ?


Figurant parmi les grands gagnants de la crise sanitaire, les jeux vidéo ont connu une croissance record à la faveur du confinement, sans doute la plus importante jamais atteinte sur un temps aussi court. Bloqués chez eux, les Français se sont tournés vers leurs consoles pour passer le temps et rompre l’isolement. Le phénomène a été identique ailleurs dans le monde, et les chiffres qui en témoignent sont éloquents. Tous supports confondus, les ventes ont augmenté de 12 % sur la période, selon le cabinet d’analyse NPD, soit 7 % de plus que ce que les prévisions indiquaient en 2019.


Avec quelques best-sellers, qui ont fait la course en tête… Début mai, Fortnite, le jeu le plus populaire actuellement, franchissait la barre symbolique des 350 millions de joueurs et des 18 millions de followers sur Instagram. Grande star du confinement, Animal Crossing New Horizons, sorti à la mi-mars, a été vendu en seulement quelques semaines à presque 14 millions d’exemplaires, et, à la fin du premier trimestre, la plateforme de streaming Twitch annonçait qu’elle avait dépassé les 3 milliards d’heures de connexion. En avril 2020, à travers le monde, les joueurs auront passé 3,2 milliards d’heures sur leur console ou leur smartphone. L’usage n’aura jamais été aussi intensif que pendant cet enfermement généralisé, ce qui laisse augurer une croissance importante des ventes, car le confinement aura également eu pour effet de recruter de nouveaux gamers.



De 100 milliards de dollars en 2020, le chiffre d’affaires du secteur pourrait gonfler à 300 milliards de dollars en 2025, soit une augmentation de 300 % en cinq ans, d’après les projections du cabinet d’analyse Global Data, qui a fait un travail de fond pour comprendre l’impact du virus sur les habitudes de consommation. Pour le seul mois de mars, les joueurs ont dépensé 10 milliards de dollars pour assouvir leur passion. Autant dire que l’industrie du gaming est en bonne santé, et même florissante, grâce au Covid.


Pourtant, la pandémie à elle seule ne saurait expliquer ce succès incroyable. Il faut intégrer d’autres évolutions dans l’équation. Le temps passant, les jeux vidéo sont devenus un phénomène intergénérationnel, qui concerne aujourd’hui toutes les tranches d’âge. Année après année, leur présence au sein des foyers n’a fait que se renforcer. Les premiers gamers, ceux qui avaient acquis une console dès les années 80, ont grandi et ont eu des enfants, sans pour autant arrêter de jouer, mais en partageant leur passion avec leur progéniture.


Cette dimension familiale a augmenté le nombre de joueurs, mais a également eu pour effet de faire évoluer l’image des jeux vidéo. D’autant que, depuis quelques années, neurologues et pédopsychiatres se sont mis en tête de décortiquer leurs rouages. Et, bien souvent, leur verdict est positif. D’après eux, jouer présenterait de nombreux avantages, jusqu’ici ignorés, comme celui d’améliorer l’attention et la mémoire, de développer la créativité, de renforcer les capacités d’adaptation à une situation imprévue, et même de développer l’empathie, les capacités cognitives et l’intelligence collective…

Un discours à rebours de celui de l’addiction si souvent décriée. Pour autant, les bénéfices associés aux jeux n’en sont peut-être qu’à leurs débuts… Une partie des acteurs semble décidée à faire bouger les lignes dans le bon sens.



Gaming positif

Il semble déjà loin, le temps où les jeux vidéo ne proposaient qu’un contenu strictement ludique. Les gameplays sont devenus des outils éducatifs à part entière. En 2016, Microsoft sortait une version du célèbre jeu Minecraft spécialement calibrée pour permettre aux enfants d’apprendre à coder. Aujourd’hui, Assassin’s Creed intègre un mode éducation, séparé du gameplay classique, qui plonge le joueur dans l’Égypte des pharaons avec une très grande précision. Élaborée en collaboration avec des archéologues, cette plongée virtuelle hyperréaliste dans le passé permet de voir comment les Égyptiens vivaient à cette époque, et fait état des toutes dernières découvertes en la matière. C’est un cours d’histoire « gamifié ».


En ligne, ce type de contenus s’est multiplié, souvent à destination des élèves du primaire. Educationem, Adibou ou YB proposent une large gamme de jeux pédagogiques qui permettent de réviser les connaissances apprises en classe. De son côté, la startup PowerZ a lancé un ambitieux programme ludo-éducatif pour donner aux enfants l’envie d’ouvrir un livre ou d’aller visiter un musée. Les jeux vidéo ont même fait leur entrée dans les programmes scolaires. En Pologne, le jeu This War of Mine, disponible sur Steam, est conseillé aux étudiants en histoire, car il offre la possibilité de vivre de l’intérieur, en incarnant un soldat, le siège de Varsovie pendant la guerre en ex-Yougoslavie au début des années 90.



Outre les contenus éducatifs, les préoccupations environnementales se sont elles aussi incrustées dans les gameplays. Début 2020, l’ONU a lancé Mission 1,5°, une application vidéoludique qui permet aux plus jeunes de mieux comprendre les mécanismes du dérèglement climatique et de pouvoir mesurer leurs effets en temps réel. La NASA a fait de même avec le programme Climate Kids.

Plus ambitieux, The Climate Trail, sorti en 2019, propose aux gamers de survivre dans un monde apocalyptique, entièrement chamboulé par la montée des eaux liée au réchauffement. Difficile de faire mieux pour appréhender les défis de notre époque.


Mais ce n’est pas tout. En parallèle de ces initiatives, grands groupes, plateformes et studios s’associent dans le but de réduire les émissions de CO2 du secteur – celles-ci ne cessant de croître à mesure que le nombre de joueurs augmente –, et d’éveiller les consciences à la crise environnementale. Ainsi, l’initiative Playing4theplanet, soutenue par les Nations unies, regroupe 27 acteurs majeurs, d’Ubisoft à Sony Entertainment et Microsoft, en passant par la solution cloud Stadia, la plateforme Unity ou encore le leader de la réalité augmentée Niantic, qui se sont engagés dans cette direction. À leur actif, le projet Green Mobile Game Jam, dont l’objectif est de mettre au point des moyens innovants pour sensibiliser les joueurs au changement climatique à travers les jeux existants. De son côté, Sony a annoncé que le mode veille de la Playstation 5 serait 17 fois moins gourmand en énergie que celui des anciens modèles. Et Ubisoft a, pour la première fois, choisi un boîtier en carton recyclé pour l’édition 2020 de Football Manager.

Particulièrement innovante, l’industrie vidéoludique colle à son époque et prend en compte ses enjeux, ceux qui touchent toutes les catégories de joueurs et de citoyens. Ces transformations s’expliquent aussi par le fait que les jeux vidéo sont devenus bien plus que ce qu’ils étaient au départ.

Les jeux sont devenus un canal de prescription à part entière. Les marques l’ont parfaitement saisi, d’autant que les avancées technologiques autorisent désormais une très grande agilité et une fluidité inégalée.


Un nouveau média

En se connectant, le gaming a changé de visage. Il est devenu un moyen de tisser des relations sociales en discutant avec d’autres joueurs, de former des équipes, de partager des expériences et des conseils au sein des communautés, et même de recommander des produits. Les jeux sont devenus un canal de prescription à part entière. Les marques ont parfaitement saisi cette évolution et le moyen qu’elles avaient là de gagner en visibilité, d’autant que les avancées technologiques autorisent désormais une très grande agilité et une fluidité inégalée dans la conception et la diffusion des contenus. Ainsi, LVMH, pourtant peu disposé a priori à communiquer de façon aussi triviale, avait noué, en 2019, un partenariat avec le tournoi League of Legends afin de promouvoir ses nouveaux produits de beauté, en dessinant notamment la malle qui a servi à transporter la coupe destinée aux gagnants. Mais ce type de collaboration ne révèle qu’une petite partie de ce qu’il est possible de faire.


En plein confinement, Fortnite a transformé l’un de ses plateaux de jeux en salle de concert virtuelle pour accueillir cinq représentations dématérialisées du rappeur Travis Scott, lesquelles ont réuni 27,7 millions de gamers. Aujourd’hui, les jeux vidéo sont devenus un support d’expression incontournable, capable de toucher les consommateurs à travers une large gamme de contenus et de tisser un lien privilégié avec eux grâce à des interactions innovantes. En mai, lors du déconfinement, Gémo, Marc Jacobs et Valentino ont lancé, pour la première fois, leurs nouvelles collections dans Animal Crossing. Le jeu permet en effet aux gamers d’habiller virtuellement leurs avatars.

Mais en devenant un média, le jeu vidéo peut aussi renforcer son impact positif. Twitch a lancé des sessions vidéo en live pour engager ses audiences autour des problématiques environnementales.


Un pas vers le futur

Tout cela pourrait cependant n’être qu’un avant-goût. À mesure que la technologie devient plus perfectionnée, la frontière qui sépare la réalité et le virtuel a tendance à s’effacer. De plus en plus, le photoréalisme, autorisé par les nouveaux outils de conception et la puissance des machines, fait basculer les gamers dans un environnement qui ressemble à s’y méprendre à la réalité. À ce titre, Unity, l’un des moteurs de rendu les plus performants au monde, permet aujourd’hui de retranscrire les émotions humaines avec une précision inégalée afin de mettre des sentiments et de l’empathie dans les gameplays. Autant d’innovations qui pourraient renforcer le pouvoir de prescription et de sensibilisation de certains jeux.


De son côté, Microsoft entend donner la possibilité aux gamers de jouer avec la même qualité depuis n’importe quel écran, grâce à la plateforme de streaming xCloud, disponible depuis septembre. En parallèle, les formules d’abonnement à des bibliothèques ou à des stores – permettant d’accéder à un très grand nombre de programmes supplémentaires – se multiplient.

Tout indique que la pratique est appelée à progresser toujours plus, d’autant que la 5G et sa connexion hypermusclée devraient rajouter un coup d’accélérateur supplémentaire. Depuis les premières consoles, les usages et les potentialités ont considérablement évolué. En rendant éducative une partie des jeux, les concepteurs semblent avoir pris la mesure de leur responsabilité vis-à-vis du public. Demain, les produits pourraient être conçus encore davantage dans cette direction…


La réalité virtuelle et les progrès réalisés par les moteurs de rendu permettraient alors de mieux sensibiliser les jeunes générations aux problèmes environnementaux et sociaux, tandis que les jeux feraient pour de bon leur entrée dans l’arsenal pédagogique dont dispose le système éducatif. Pour autant, une partie de l’industrie vidéoludique n’a toujours pas changé son fusil d’épaule et pourrait ne jamais le faire. Un marché à deux vitesses deviendrait alors la norme, entre jeux « utiles » d’un côté, et gameplays addictifs uniquement pensés pour faire du profit, de l’autre.





Article paru dans l’ADN, Arnaud Pagès ,10 février 2021

Cet article est extrait du Livre des Tendances 2021, 22 secteurs clés décryptés



37 vues0 commentaire

Comments


bottom of page